
La puissance de feu des défenseurs de la « constitution » a
logiquement permis une remontée du Oui. Il aurait été étonnant
qu’elle reste sans effets. Elle produit aussi
dans nos rangs un certain fléchissement. Nombreux
sont ceux, dans les collectifs, qui n’ont pas
l’habitude de ce type d’affrontement, de
cette violence mensongère, d’une telle
débauche de moyens. Et qui ont le sentiment
que nous ne faisons pas le poids avec nos documents,
tracts, nos réunions-débats.
La disproportion des moyens
est évidente. Mais
le bombardement ne peut remplacer l’occupation
du terrain. Nous avons une force qu’ils ne peuvent
nous enlever : la force militante. La capacité de
s’adresser personnellement aux citoyens, sur
les lieux de travail, dans les quartiers ; de prendre
le temps pour donner nos raisons : porte à porte,
réunions de proximité, coups de fil aux
amis, etc. Mais il faut maintenant cibler plus précisément.
Peu nombreux sont les convaincus
du Oui, après
plusieurs mois de débat, qui changeront de position.
Nous devons nous adresser prioritairement aux indécis
et aux abstentionnistes. Et plus précisément
encore à ceux des couches populaires qui ont
l’expérience vivante des politiques libérales.
Parce qu’avec un peu d’habileté rhétorique
et beaucoup de mauvaise foi, les défenseurs
du Oui peuvent prétendre que, contrairement à ce
que nous prétendons, tel article veut dire autre
chose que ce qu’il dit, que tel autre représente
une avancée insoupçonnée, etc.
Et il est facile de ne plus s’y retrouver devant
ces analyses contradictoires. Mais les mêmes
ne se laisseront pas abuser sur les politiques libérales,
c’est à dire sur leur vie. Nous devons
partir de là et ne pas hésiter à invoquer
la défiance légitime vis à vis
de responsables politiques qui ont déjà beaucoup
promis et beaucoup menti. L’heure n’est
plus aux explications de texte détaillées
mais aux quatre sujets clé : démocratie,
chômage, services publics, Europe sociale.
Démocratie :
1) La constitutionnalisation des
politiques par le plus grand nombre des articles de
texte. Trois exemples : l’interdiction de gêner
la libre circulation des capitaux (investissements
spéculatifs, délocalisations) : article
III-156 ; l’obligation pour les Etats d’améliorer
leurs capacités militaires (I-41) ; la compatibilité de
la politique de sécurité et de défense
de l’Europe avec la politique de l’OTAN.
2) Des institutions non contrôlées. Ex
: la banque centrale européenne, indépendante,
qui a une influence décisive sur la marche de
l’économie et donc le chômage par
la fixation des taux d’intérêt et
la politique de l’euro fort.
Chômage
:
1) Les salariés du privé savent
les sacrifices qui leur sont demandés au nom
de la compétition internationale. La banque
centrale européenne, que son statut rend indifférente
au chômage, annule tout cela en laissant l’euro
gagner + 30% par rapport au dollar, ce qui veut dire
que les produits européens deviennent plus chers
de 30% par rapport aux produits payables en dollars
!
2) La réponse de la Constitution au problème
du chômage est celle du patronat européen
: compétitivité (article I-3), ne pas
gêner le marché (articles III-177 et 178)
; flexibilité du marché du travail (article
III-203).
Services
publics :
1)le traité d’Amsterdam
proclamait que les services d’intérêt économique
général sont une valeur commune de l’Union. Cela n’a pas empêché l’offensive
systématique dans tous les secteurs, chemin
de fer, énergie, poste, etc. La »constitution » reprend
tous les articles qui ont permis cette offensive.
2)
Elle en ajoute de nouveaux : celui, par exemple, qui
constiutionnalise la libéralisation de l’énergie
(article III-256).
3) Elle interdit la reconstitution
de monopoles de services publics.
4) Elle ne permet
pas la création de services publics européens
: aucun statut n’est prévu en ce sens.
Europe sociale :
1) avec
le dernier élargissement,
l’Europe a changé de doctrine, installant
officiellement une fracture économique et sociale
dans l’espace européen. C’est cette
fracture que la directive Bolkestein veut mettre au
service des firmes qui peuvent délocaliser.
2) L’harmonisation sociale est soit interdite,
soit soumise à l’unanimité des
Etats pour seulement énoncer des minimas sur
les sujets les plus importants (article III-210). Cet
article a déjà paralysé l’harmonisation
sociale par le passé. Cela sera pire encore
maintenant avec les nouveaux adhérents qui ont
le dumping social et fiscal comme arme majeure dans
la concurrence sur le marché européen.
Ajoutons
la réponse à un argument qui
semble avoir eu une certain impact : l’isolement
de la France et son affaiblissement en cas de victoire
du NON.
1) On ne
peut répondre ainsi aux questions
essentielles. Au nom de l’isolement, fallait-il
faire la guerre en Irak ?
2) Un pays est fort internationalement s’il défend une orientation claire qui
répond à l’aspiration des peuples
(ce fut le cas sur l’Irak), pas s’il se
couche systématiquement.
3) La montée
du Non en France a déjà payé : changement d’attitude sur la directive Bolkestein,
le pacte de stabilité, etc.
4) L’Europe
est un sujet trop sérieux pour être laissé aux
chefs d’Etat et de gouvernement.
Face à l’Europe libérale, le Non
de gauche apporte une alternative. Nous avons une alternative
programmatique avec des propositions précises
sur les sujets évoqués ci-dessus. Nous
avons aussi une alternative stratégique : sortir
le débat européen du cercle fermé de
la diplomatie ; le faire prendre en charge par les
citoyens. Ce que nous avons déjà en partie
réussi en France.
Si le Non l’emporte nous serons dans la situation
juridique actuelle : il n’y aura aucun vide.
Mais il y aura un fait politique nouveau en Europe
: un pays majeur aura dit stop, il faut arrêter
la folie libérale qui a pris le contrôle
de la construction européenne, nous voulons
remettre l’Europe à l’endroit, au
service des peuples.
Nous mettrons à profit en France même
le rapport de forces politique ainsi créé contre
les offensives libérales en cours. Nous le mettrons
aussi à profit au niveau européen. Il
servira à débloquer le débat dans
les autres pays où il a été verrouillé.
Des initiatives en ce sens sont en cours tels que les
appels européens pour le Non qui ont été rendus
publics récemment. Si le Non l’emporte
nous proposerons la création d’un collectif
européen pour une autre Europe avec la constitution
de tels collectifs dans tous les pays, sur le modèle
de ce que nous avons fait ici. Ces collectifs aideront
l’intervention dans les pays où il y aura
referendum. Ils faciliteront la mobilisation contre
le directives Bolkestein, temps de travail, etc. Il
seront un cadre pour élaborer des propositions
alternatives communes.
Cette orientation peut aussi être mise en œuvre
si le Non est battu de peu en France. Nous devrons
discuter, même dans cette hypothèse, du
maintien de nos collectifs unitaires. Mais pour l’instant,
la perspective est la victoire du NON. La situation
restera indécise jusqu’au dernier moment.
Jusqu’au 29 compris, nous devons gagner des voix.
Il nous reste quelques jours...
Fondation Copernic
http://www.appeldes200.net
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