
Bonjour,
Je suis Pervenche Berès présidente de
la commission économique et monétaire
du Parlement européen, membre du parti socialiste
français, membre des conventions ayant rédigé le
projet de traité constitutionnel et la Charte
des droits fondamentaux.
Je n'aurais pas
osé dire "non" au
projet de traité constitutionnel mais les chefs
d'Etat et de gouvernement ont abîmé le
texte que la Convention avait préparé.
Ils ont dégradé, compliqué et
ils ont reporté l'amélioration du processus
de décision.
Je tenais donc à vous livrer mon point de vue
si vous avez quelques minutes à me consacrer.
Je suis européenne comme beaucoup de mes concitoyens,
je m'inquiète du devenir de notre modèle
social. Sociale-démocrate, je suis d'ordinaire
peu adepte de la mystique des stratégies de
crise.
Lucide sur la qualité des travaux de la Convention
et des régressions imposées par les chefs
d'Etat et de gouvernement, j'ai aussi conscience que
l'Europe ne peut avancer sans l'appui des citoyens.
Cela suppose que ce qu'on
leur propose soit à la
hauteur des défis à venir. Ce n'est pas
le cas avec ce texte.
A l'heure des délocalisations, des menaces
sur les services publics et sur l'avenir de la protection
sociale, nous ne pouvons pas accepter de renvoyer,
une fois encore,les préoccupations sociales
des citoyens aux calendes. C'est pour cette raison
que cette fois-ci, dire "non", c'est redonner
une chance à l'Europe.
Dire "non" pour
sauver l'Europe.
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Parce
qu’ils ont supprimé l'exigence
de transparence que la Convention voulait imposer
aux travaux du Conseil.
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Parce qu’ils n'ont pas
supprimé la référence à l'héritage
religieux et ils ont affaibli la portée
de la Charte des droits fondamentaux.
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Parce que la négociation
se termine comme toujours sur la base de ce que
souhaitent les moins-disants.
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Parce qu’ils n'ont pas
autorisé le fonctionnement
des services publics en dehors des règles
de la concurrence.
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Parce qu’ils n'ont pas
permis la définition
d'un salaire minimum, ils n'ont pas fait progresser
l'harmonisation fiscale.
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Parce qu’ils ont supprimé les maigres
avancées arrachées par la Convention
sur la lutte contre les paradis fiscaux.
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Parce qu’ils ont supprimé les pouvoirs
du Parlement européen dans la négociation
du budget.
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Parce que l'Europe est devenue un bateau ivre auquel
ce texte ne redonnera ni boussole ni cap.
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Parce qu'il y a
urgence et que je pense que c'est ainsi que l'on
perdra le moins de temps. Je rappelle
d'ailleurs
que l'essentiel du texte ne s'appliquerait au
plus tôt qu'au 1er novembre 2009.
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Parce qu'on ne
peut pas emporter l'adhésion
des Français avec un texte que Tony Blair
vendra aux Anglais en leur expliquant qu'il ne
change rien.
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Parcequ’il apporte de légers correctifs à Nice,
mais pas de projet pour faire avancer l'Europe.
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Parce que, comme
le dit Wolfgang Munchau, économiste
allemand, " le problème de
la Constitution, c'est qu'elle laisse intact le
système actuel
de politique économique qui est défaillant ".
J'entends les objections
: "Vous serez isolés,
c'est une erreur historique." Nous serons isolés
tant que les conditions d'une réouverture du
débat n'auront pas été installées.
Au lendemain d'un "non" français,
les européens convaincus, ceux avec lesquels
nous voulons avancer, devront retrousser leurs manches.
Ils pourront alors le faire sur la base de la dynamique
qui aura été créée par
le "non" français pour faire rebondir
le projet européen autour de sa force, c'est-à-dire
son modèle social, tout en permettant à l’Europe
de fonctionner sur une autre base que le mauvais traité de
Nice.
Pervenche
Berès
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