Cela sera bientôt le secret le moins bien gardé d’ Europe.
Il y aura une renégociation de l’actuel
projet de constitution européenne. Le correspondant
bruxellois du Figaro vend la mêche dans l’édition
du 18 avril: tout le monde se prépare à la
victoire du “non” français et plusieurs
scénarios circulent dès à présent
pour y répondre.
Certes, Michel Barnier prétend toujours qu’en
cas de victoire du “non” le 29mai, “on
en restera aux traités actuels. Il n'y aura
pas d'autre Constitution, pas d'autres discussions,
avant très longtemps.” Mais ça
ne tient pas debout. D’abord, contrairement à ce
que disent certains partisans du “oui”,
le “non” français ne mettra pas
un terme à la construction européenne.
Celle-ci s’est réalisée en surmontant
des crises successives. Rappelons qu’un premier
projet de Constitution a déjà été rejeté par
les chefs d’Etat européens lors d’un
sommet à Rome le 12 décembre 2003. Jean-Claude
Juncker, le premier ministre du Luxembourg, tenait à l’époque
un tout autre discours : “Mieux vaut pas de résultat
qu’un mauvais accord (...) Quand on élabore
une Constitution, on n’a pas le droit de se tromper
d’ambition.” Jacques Chirac enfonçait
le clou: “Il n’y a pas de drame ou de crise
avec un grand C”, ajoutant “toute l'histoire
de l'Europe est marquée par sa capacité à surmonter
les difficultés”. Faut-il comprendre que
les chefs d’Etat ont le droit de dire “non” mais
pas les peuples ?
On nous dit aussi qu’en cas de “non” l’Europe
continuerait à fonctionner sur la base des traités
existants... tout en prétendant que ceux-ci
sont désastreux et inapplicables avec 25 Etats
membres. Il faut choisir ! D’ailleurs l’un
des scénarios qui circulent à Bruxelles
prévoit que les innovations institutionnelles “les
plus consensuelles” pourraient être introduites “par
accord intergouvernemental ou interinstitutionnel (Conseil,
Commission, Parlement), ou encore par un petit traité d'une
page ratifié par les parlements.”
On nous dit enfin que la
France serait affaiblie pour renégocier. C’est l’inverse qui
est vrai. Les responsables bruxellois interrogés
par Le Figaro reconnaissent qu’il n’est
pas possible de construire l’Europe sans la France
et qu’on ne pourra pas non plus faire revoter
les Français. Il faudra donc tenir compte
de leur volonté. Certes, tout ne sera pas possible
si le “non” l’emporte. Cela dépendra
aussi des rapports de force en Europe. Mais le “non” français
est la seule manière de les faire évoluer.
Sinon, la bataille est perdue d’avance ! D’après
le Figaro, le plan B de Bruxelles envisage déjà l’abandon
de toute la partie III de la Constitution européenne.
Il restera des choses à discuter dans les autres
titres du projet actuel, mais cela montre bien que
seule l'intervention du peuple peut redresser
la construction européenne.
François Delapierre
(délégué général
de PRS)
|